Pour beaucoup, le Carême est l'occasion d'une purification intérieure et d'une pause dans le superflu. Les 40 jours sans viande, sans alcool ou sans sucreries commencent par une soupe de Carême le Mercredi des Cendres. Les associations invitent volontiers à ces plats simples afin de récolter des dons.
Vers la fin du Carême, le Jeudi Saint, on trouve au menu tout ce qui est vert. Salade, jeunes légumes, herbes aromatiques, bref, tout ce qui commence à pousser au printemps est servi à table.
Deux jours plus tard, le repas est à nouveau plus copieux. En effet, selon les coins du Tyrol, on peut enfin se servir à volonté le soir du Samedi Saint ou le matin du Dimanche de Pâques. Du jambon de Pâques avec du raifort frais, des saucisses, des tresses de Pâques (brioches) et bien sûr les œufs de Pâques sont alors d'autant plus savoureux.
Le dimanche des Rameaux marque le début des festivités autour de Pâques, et les lève-tôt profitent dès le matin d'une joyeuse coutume : ils ont le droit d'appeler "Palmesel" ("l'âne des Rameaux" !) celui qui se réveille en dernier. Et on se réjouit de la procession qui arrive.
Lors des processions, les filles portent traditionnellement un bouquet et les garçons une sorte de grande tige de rameaux d'olivier et de “chatons” de saule marsault, tous décorés de rubans colorés et de bretzels sucrés. À Thaur, le Christ en bois est tiré sur un âne à travers les chemins de campagne, tandis qu'à Imst, un concours de la plus longue “perche” des Rameaux est organisé. Elles peuvent en effet atteindre 35 mètres de long et doivent donc être portées par une trentaine de jeunes gens. Les bouquets et les tiges décorés sont bénis et ensuite soigneusement conservés. Ils doivent en effet protéger la maison et la ferme de la foudre et du feu tout au long de l'année.
Si vous avez déjà été au Tyrol pendant la Semaine Sainte, vous avez peut-être vu des enfants avec des sortes de crécelles en bois et vous vous êtes étonnés du bruit grinçant de ces instruments. Ils remplacent en effet les cloches des églises, qui ne peuvent pas sonner pendant les messes du Jeudi et du Vendredi saints. Seule la célébration de la résurrection le Samedi Saint met fin au silence. C'est alors que le feu, l'eau baptismale et les huiles saintes sont bénits. Depuis 2015, cette coutume bruyante est officiellement reconnue comme "patrimoine culturel immatériel" de l'UNESCO.
Au Tyrol, Pâques et la Toussaint sont les dates auxquelles les parrains et marraines - appelés selon les coins du Tyrol “Get & Goti”, “Teít & Touta” ou encore “God & Godn” - offrent des cadeaux à leurs filleuls. Souvent, ces cadeaux comprennent une brioche de Pâques en forme de tresse ou un petit gâteau en forme d'agneau. Ils sont cuits le Samedi Saint et apportent une touche sucrée au petit-déjeuner du dimanche. Leurs formes ont une signification religieuse.
Pourquoi les œufs de Pâques sont-ils peints ? C'est une théorie parmi d'autres : pour qu'ils se conservent mieux. Tous les œufs que l'on ne pouvait pas manger pendant le Carême étaient cuits, puis peints progressivement de différentes couleurs. On savait ainsi lesquels devaient être mangés en premier. La liberté artistique en matière de décoration n'est apparue qu'ensuite avec l'invention du réfrigérateur. Les familles tyroliennes se rassemblent autour de la cuisinière et de la table de cuisine, plongent les œufs dans un bain de peinture ou les peignent avec un pinceau et de la peinture à l'eau. Dans la nuit du dimanche de Pâques, les petites œuvres d'art sont ensuite cachées dans la maison et le jardin pour les enfants, accompagnées de friandises et de petits cadeaux.
Lors du duel de l’œuf, "Eierpecken" en tyrolien, deux œufs de Pâques sont cognés l'un contre l'autre d'un coup bref et ferme au niveau de la pointe. L'œuf cassé doit être remis au vainqueur. Il existe de véritables experts en la matière et si vous voulez avoir une chance, vous devez respecter trois règles de base essentielles :
Dans certaines régions du Tyrol, on allume de grands feux de Pâques le soir du Samedi Saint pour symboliser la Résurrection du Christ. Selon une théorie, cette coutume remonte aux feux de printemps païens. Dans la vallée de Zillertal notamment, les feux de taille d'arbres et d'arbustes font partie intégrante de la fête de Pâques. Tant que la météo le permet bien sûr : en cas de sécheresse, les feux sont interdits en raison du risque d'incendie.
Le nettoyage de Pâques a des objectifs plus profanes : après un long hiver, la maison est nettoyée de fond en comble afin que tout brille sous le soleil printanier à l'approche de Pâques.
Les habitants du Tyrol ont clairement un penchant pour les décorations. Cette coutume remonte au XVIIe siècle et avait pour but d'illustrer la mort et la résurrection du Christ aux paroissiens, qui ne savaient souvent ni lire ni écrire. Les tombes sont généralement décorées de boules de verre colorées, remplies d'eau et éclairées. A Breitenwang, Lienz, Nauders ou Patsch, les tombes sacrées sont installées de manière traditionnelle, puis étoffées de décors, de rideaux et de figurines. Dans d'autres coins du Tyrol, les tissus utilisés pour suspendre l'autel illustrent des scènes de la Passion. D'autres encore présentent des crèches de Carême, une variante pascale de la crèche de Noël. La crèche mécanique de Telfs-Moritzen, intégrée au Saint-Sépulcre, est particulièrement jolie.
Après les nombreux bons repas du week-end, quoi de mieux que de faire de l'exercice en plein air ? Cela tombe bien, le Tyrol a même sa propre coutume pour cela : la marche d'Emmaüs, ou “Emmausgang”, le matin du lundi de Pâques. Elle rappelle le chemin des disciples vers Emmaüs, ville proche de Jérusalem, sur lequel Jésus les a rejoints sans être reconnu après sa résurrection. Souvent, on prie et on chante, ou on savoure simplement une longue promenade sous le soleil printanier.